Sureaux

Le goût pour le sureau, c'est héréditaire. Elise, ma petite-fille, 18 mois, pourtant très loin de moi, se régale de sureau. Elle vit sur la côte est des USA, c'est sans doute un canadensis.

Je vais bientôt sortir dans le jardin mais j'attends que ça se réchauffe. Il fait aussi froid qu'en plein hiver.
En attendant, je veux vous parler encore de 'Monstrosa', un des deux petits monstres que j'adore.
Je vous ai déjà montré les anomalies des tiges de mon 'Leucodermis', en fait sans doute une mutation du vrai 'Leucodermis' : des entre-noeuds très courts, voire inexistants.
L'anomalie des tiges de 'Monstrosa' (ce n'est pas la seule anomalie) est différente. Voyez sur ces photos d'un 'Monstrosa' qui n'a plus ses feuilles (ceux déjà plantés les ont encore) : les noeuds, au lieu d'être répartis régulièrement deux par deux et opposés, sont disposés de façon anarchique :

Red berried elder, red elderberry, estearn red elderberry
Sureau rouge américain

On le trouve dans la partie est du continent américain et très au nord car il est le plus rustique mais aussi le plus craintif devant la sécheresse et la chaleur.

C'est un arbuste de 2 à 4 m de hauteur, aux tiges bien dressées. Il prend un port en vase contrairement au racemosa européen dont les branches ont un port plus souple, plus arqué. Voici deux photos prises au Québec dans la même région par Christian.
Sambucus pubens

Cela ne concerne que l'Amérique du Nord puisqu'il n'y a pas de sureaux rouges dans l'hémisphère sud.
Comme il y avait Sambucus canadensis à l'est et Sambucus caerulea à l'ouest, pour les rouges il y a Sambucus pubens à l'est et Sambucus callicarpa à l'ouest, celui de l'est étant de la même façon plus résistant au froid.
A l'est uniquement on trouve plus au sud Sambucus microbotrys et Sambucus melanocarpa.
En prime, et pour compliquer, il semble qu'il y ait un peu partout le Sambucus racemosa européen.
L'européen a 36 chromosomes, tous les américains ont 38 chromosomes, sauf peut-être pubens qui présenterait des individus à 38 chromosomes et d'autres à 36 chromosomes.
Et, si l'on en croit certains auteurs, tout ce petit monde s'hybride, et même semble-t-il avec Sambucus caerulea et Sambucus canadensis.

Vous voyez comme c'est simple.

Le 15 octobre.

Sambucus canadensis 'Adams' : les fruits de la deuxième génération n'évoluent pas, ils ne parviendront sans doute pas à maturité.

Ensuite je suis allée voir de plus près un sureau dont je ne comprenais pas la présence. Je n'en ai pas planté à cet endroit. Sans doute un semis spontané de nigra : supériorité en nombre, aspect des feuilles, ce sera à confirmer avec la floraison.
Il a poussé très vite, dans la cuvette d'un rosier. Quand j'ai taillé les rosiers en février je n'ai rien vu, il a sans doute germé après.

Je vous ai déjà présenté ce sureau noir d'aspect étrange qui m'a été vendu sous le nom 'Leucodermis' ou 'Alba'. Ce qui le caractérise le plus cependant, ce n'est pas la couleur de ses fruits. Le mien a fleuri pour la première fois cette année mais n'a pas donné de fruits. Celui de Valérie, plus âgé n'a jamais fleuri, celui du Clos du Coudray a fleuri mais ne semble pas avoir donné de fruits.
Non, sa caractéristique principale, évidente, ce sont des entre-noeuds courts et des noeuds où se trouvent bien plus de feuilles que les 2 feuilles opposées habituelles.

J'ai planté il y a plusieurs années ces deux sureaux à moins de 3 m l'un de l'autre, contre la maison. Ils fleurissaient superbement mais n'avaient jamais eu de fruits. J'en ai recherché la cause. Le gel est exclu. Un insecte qui mange les fleurs avant ? J'ai vu des chenilles sur les feuilles mais jamais sur les fleurs. Mais la nuit ? Ou bien l'absence de fécondation. J'ai découvert l'autoinfertilité, ou plutôt la faible autofertilité de certains sureaux avec canadensis. C'est connu parce qu'il est largement planté dans les jardins et qu'on recherche ses fruits.
Cette année, pour la première fois, un autre tigranii a fleuri, à au moins 15 m du précédent, sur une autre face de la maison. Et toutes les fleurs de toutes les grappes des tigranii ont connu le bonheur d'être fécondées, même celles du deuxième très jeune :

S. sachalinensis, pourtant plus proche du deuxième tigranii, et à moins de 3 m du premier, n'a eu que très peu de fruits :

Vous trouverez tous ces sureaux rouges décrits et photographiés sur Internet ou en vente chez des pépiniéristes surtout étrangers. C'est pourquoi je vais essayer de débrouiller la véritable pagaille qui règne à leur sujet. Sans garantie.
Je vais d'abord vous raconter une expérience personnelle.
Les différences les plus évidentes entre sachalinensis et tigranii sont :
l'aspect des feuilles, les feuilles de tigranii sont plus petites avec des folioles plus étroites, cela lui donne un aspect plus léger :

Maintenant je me lance dans un exercice périlleux et au résultat douteux.
Si le nombre d'espèces était incertain chez les sureaux de la section Sambucus, c'est encore pire dans la section Botryosambucus. Il faut dire que les différences entre ces sureaux sont faibles et leur situation géographique se limite à l'hémisphère nord avec une étendue en latitude réduite car ils supportent mal trop de chaleur.
Les sureaux rouges des différentes zones géographiques ont d'abord reçu un nom d'espèce, jusqu'à ce qu'un petit malin décrète qu'il n'y avait qu'une seule espèce. A-t-il raison ? Je crois bien que personne ne le sait car ces sureaux n'ont pas été beaucoup étudiés.
Désormais certains appellent tous les sureaux de cette section racemosa. Au point qu'on n'y comprend plus rien et que j'ai éliminé leurs écrits pour ne pas faire d'erreur en décrivant un sureau, fut-il espèce, sous-espèce, variété ou "race" (!).
Beaucoup d'organismes scientifiques conservent les anciennes dénominations, mais aussi les pépiniéristes. Et cela paraît nécessaire car il présentent des petites différences (parfois voyantes comme les fruits noirs de melanocarpa), c'est indispensable pour leur culture car leur résistance au froid et le besoin d'eau ne sont pas les mêmes.
Ils n'ont pas le même nombre de chromosomes, racemosa en a 36, d'autres en ont 38. Des études chimiques sur les anthocyanines par exemple, les étudient comme des espèces ou des sous-espèces différentes et donnent d'ailleurs des résultats différents.

Si vous voulez y goûter, voici un site où le trouver.

Je n'avais pu vous montrer ses fruits mûrs. Je vous avais seulement donné sur ma note du 8 août un lien vers un site asiatique avec une très belle photo des fruits (patience, c'est très long à télécharger, surtout la troisième photo, celle des fruits).
Mais mon chinensis voit ses fruits mûrir enfin. On voit qu'is seront orange ou rouge, comme prévu :

Pour faire cette gelée, vous aurez du mal à trouver du sureau rouge en région parisienne, si vous n'en avez pas planté dans votre jardin.
Alors, achetez-la toute prête. Dans l'est de la France il y a de nombreuses préparations et spécialités. Essayez la gelée de sureau rouge au gingembre. On la trouve à Fresse sur Moselle. Ou bien l'eau de vie de sureau rouge

vous la trouverez sur ce site.

Je vous ai déjà montré le système racinaire de très jeunes sureaux noirs :

Il y a 4 jours, j'ai planté un jeune Sambucus palmensis et j'ai rempli sa cuvette d'arrosage de coques de cacao. Ce matin mon regard a été attiré par cette étonnante tache blanche

Il est utilisé en Russie contre le feu bactérien.
Il a quelques utilisations thérapeutiques, peu fréquentes :
- fruits, racines, et surtout huile extraite des semences comme purgatifs
- les feuilles comme diurétique et sudorifique
- les feuilles en application externe contre les abcès.
Mais ses utilisations principales sont :
- la décoration du jardin
- l'alimentation.

L'utilisation culinaire concerne essentiellement les fruits. Ils sont dits toxiques mais seules les graines sont toxiques et irritantes. Si on enlève les graines, par extraction du jus, ce jus n'est pas toxique mais n'est pas très comestible cru car très acide et désagréable.
On va donc les utiliser en gelées, marmelades, vins, liqueurs.

Pour les gelées, le jus acide et riche en pectine n'a pas, contrairement à celui du sureau noir, besoin d'autre chose que l'addition de sucre (ni jus de citron ni gélifiant).

Je n'ai jamais fait de gelée de sureau rouge, je vous conseille donc, si vous êtes tentés, de suivre la méthode d'une spécialiste.

Sambucus hookeri. Les fruits sont de plus en plus sombres. La nouvelle inflorescence est entièrement épanouie. Comme la première, elle n'a pas de nectaires.

Aujourd'hui il pleut en continu. Le bonheur pour mes plantes assoiffées de Veneux. Mais je ne suis pas étanche. Je fouine, bien à l'abri, sur Internet.
Et j'ai découvert sur le catalogue Great Dixter Gardens, mondialement connus et réputés, une description de Sambucus adnata succincte mais précise. Elle correspond tout à fait à ce que j'ai observé :
"Handsome, suckering, strong growing perennial with deeply lobed leaves. Loose umbels of cream flowers are followed by striking translucent orange berries."
Ce sureau est devenu l'un de mes préférés. Il est sain, bien vert, des feuilles larges d'aspect inhabituel. C'est sur ce feuillage seul que j'ai fait le diagnostic d'espèce dès son achat (après recherches), alors qu'il m'était vendu comme chinensis :

Le 1 octobre :
Sambucus buergeriana (pas encore étudié) a déjà perdu toutes ses feuilles. C'est aussi celui qui a les plus gros bourgeons, des bourgeons floraux bien ronds.

Où en sont leurs fruits le 1 octobre :
Sambucus ebulus. Les feuilles sont celles du liseron des haies qui l'a envahi mais cela ne le gêne pas du tout.

J'ai oublié de vous montrer qu'il repartira l'an prochain aussi au même endroit. Il y a déjà 2 pousses dans le tas de racines au pied de la tige. Sa multiplication est semblable à celle de S. ebulus : au même endroit du rhizome et à distance.

J'ai donc extrait du sol l'un des deux petits chinois, ce qui me permet de vous montrer un rhizome de Sambucus chinensis.. Ils ne semblaient pas réunis (l'an dernier il y avait un seul pied). Le rhizome que vous voyez était beaucoup plus long. Je l'ai cassé parce qu'à l'endroit de la cassure, alors qu'il se dirigeait jusque là horizontalement, il plongeait brusquement à la verticale et je ne l'avais pas prévu.

Lorsque je vous ai décrit Sambucus chinensis, je ne vous ai pas montré ses rhizomes comme je l'avais fait pour Sambucus ebulus. Mais dénuder des rhizomes de sureau yèble, ce n'était pas grave, j'en ai des dizaines. Des chinensis, je n'en ai que 3 dont 2 pas très en forme.
L'état des deux chinensis de Trifouilly est la raison d'avancer leur déplacement. Ils restent petits, à peine 1 m au lieu de 1 80 pour celui de Veneux, leurs feuilles jaunissent déjà, ils n'ont pas fleuri. Comme les palmensis, ils ne se plaisent pas à Trifouilly.
Certes, ils n'ont pas la même origine que celui de Veneux. Mais c'est bien la même plante : même tige rayée longitudinalement, mêmes stipules

Si vous voulez voir à quoi ressemble un papillon amateur de sureau rouge, suivez ce lien

Il pousse sur sols riches, dans les clairières, bordures de forêts, surtout en montagne. En effet, le sureau noir est plutôt un sureau de plaine, le sureau rouge un sureau de montagne.
En France on le trouve au nord et à l'est, ailleurs uniquement en montagne, jusqu'à 2000 m. Il est signalé dans les Pyrénées au Cortal de la Plana à 1616 m.
Il préfère un terrain légèrement acide. Il supporte le calcaire moins bien que le sureau noir, éviter les pH supérieurs à 7,5.
Rusticité : Z4
Ecologie:
Il est mellifère.
C'est une nourriture pour un papillon, le chameau, Notodonta dromedarius.
Il attire les oiseaux. En juin les fruits sauvages ne sont pas si nombreux, beaucoup murissent un peu plus tard. De ce fait, et malheureusement pour l'esthétique du jardin, ils ne restent pas longtemps sur l'arbuste. Mais il faut bien que tout le monde mange et ça soulage peut-être un peu les cerisiers.

La forme typique européenne, Sambucus racemosa ou Sambucus racemosa ssp racemosa est native de l'Europe continentale jusqu'à l'ouest de l'Asie.
Il s'est naturalisé ailleurs :
En Grande Bretagne on ne le trouve qu'introduit par endroits et naturalisé.
Dans le bassin de la Haute Volga il est considéré comme envahissant, de même dans la forêt Bialowieza au nord-est de la Pologne.
En Australie il est suspect et surveillé.
Le voici au Canada, photographié en pleine nature par Christian Fontaine

Superbe intuition, que je croyais être de la flemme, je suis restée à la maison aujourd'hui. Heureusement, car les livraisons par transporteur c'est moins simple que la poste quand on n'est pas là.
Donc un camion tonitruant vient de me livrer un colis. Tout le quartier le sait. C'est une commande aux Beeches Nurseries, GB, par lettre envoyée le 24 septembre, livraison le 29. Qui dit mieux ? Colis impeccable, la moitié du contenu est de la paille, pas du polystyrène.
C'était une commande de quelques Sambucus adnata. Je n'ai qu'un seul pied qui va devoir être déplacé, avec tous les risques que cela comporte. Et j'aime bien avoir pour chaque taxon, quand c'est possible, plusieurs origines. Et aussi parce que c'est une belle plante, je vais faire un petit massif qui grossira car il drageonne bien : 1m50 de beau feuillage bien vert, de belles fleurs couvertes de papillons, des beaux fruits d'un orange clair inhabituel.

Les sureaux utilisés par les Amérindiens ont déjà été décrits. Il s'agit de Sambucus caerulea (notes du 20 mai et du 21 mai) et mexicana(note du 1 juin). Leurs fruits sont sucrés. Ces tribus existent toujours et connaissent encore ces utilisations. Mais elles sont très affaiblies en nombre. Par exemple, les Pomo étaient 8000 au 18è siècle, ils ne sont plus qu'un millier aujourd'hui.
Le sureau servait comme aliment, surtout les baies, comme médecine, surtout les fleurs. Mais ils utilisaient aussi l'écorce pour l'habillement, le bois pour les flûtes et pour produire du feu.
Ce sont donc essentiellement les baies qui étaient utilisées comme aliment.
Les Pomo les mangeaient fraîches, les transformaient en jus, les faisaient sécher comme provisions pour l'hiver.
Les Bear River les utilisaient fraîches et séchées.
Les Atsugawi en faisaient une purée qu'is mélangeaient à la farine de manzanita (plusieurs espèces du genre Arctostaphylos à très belle écorce rouge) pour faire des gâteaux qu'ils faisaient sécher pour les conserver.
Les Yokut trouvaient plus haut dans les montagnes de grosses baies qu'ils faisaient sécher. En hiver ils les faisaient bouillir pour les manger.
Les Miwok les mangeaient cuites uniquement, aussitôt ou en les séchant pour l'hiver.
Les Cahuillas les mangeaient fraîches ou mettaient les corymbes entiers à sécher et les consevaient dans les ollas, sortes d'amphores en argile. Plus tard ils en faisaient une sauce épaisse et sucrée.

Sambucus racemosa 'Plumosa Aurea' n'est plus aussi jaune qu'au printemps. Les vieilles feuilles ont verdi, les jeunes sont jaunes. Il est planté au soleil et n'en a jamais souffert mais il est à l'ombre à partir de 16 heures, soit 14 h en heure solaire.